Sapate à l’école

February 5, 2018

Le projet Sapate s’est aussi décliné sous la forme d’ateliers d’écriture à l’école Beaupré, avec la classe de Mathilde Jodocius et à l’école Aristide-Briand de Mortagne avec celle de Marc Puéchavy. Des ateliers cinéma et photographie les ont complétés, toujours sur le thème des objets, en voici quelques témoignages. Photographies de Jimmy Beunardeau.

« Voici une petite tortue marine en bois de clarinette qui ne se carapate pas à pas de tortue. Avant ce n’était qu’un morceau de bois, et la voilà sculptée en polie. Aujourd’hui, elle aime bien sa vie, quelqu’un l’a choisie. »

« On peut mettre dans le cartable un cahier, une trousse, une ardoise, des choses imaginaires, un cheval, un éléphant, une moissonneuse-batteuse, une maison.Les cartables en sable permettent de construire des châteaux.Si on mange un cartable en quatre-quarts, il faut enlever les affaires avant.On a trouvé ses bretelles en cherchant des crabes en Bretagne.»

Et qui

        Avec de…

              Et vieux

                    Dans leurs yeux

Sapate : objets d’antan

“Objets inanimés, avez-vous donc une âme

Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ?” »

« On est tous des objets anciens ! »

« Je dis que je n’ai rien fait de ma vie : j’étais charron, il n’y a plus de charrettes. Ensuite j’ai été menuisier. On remplace mes fenêtres en bois par du PVC. »

« On consomme, on consomme, et la terre ne suit pas. »

Le projet Sapate ou La Vie des objets s’est aussi décliné sous la forme d’ateliers de paroles et d’écriture à l’EHPAD Moulin-à-vent de Mortagne-au-Perche, où les résidentes et les résidents se sont souvenus d’objets, d’usages et de façons de faire différentes. Voici le début de leur catalogue, avec des illustrations tirées de celui de la manufacture d’armes et de cycles de Saint-Étienne, dans lequel ils passaient parfois commande :
 

Anti-monte-lait

L’anti-monte-lait n’empêche pas réellement le lait de déborder, ça prévient que le lait va se sauver. Il faut surveiller le lait qu’on met sur le feu. Si le lait se sauve, c’est difficile à nettoyer. Les dames sérieuses ne l’utilisaient pas, elles savaient bien qu’il fallait attendre à côté de la casserole. Les gens soupe au lait sont comme le lait dans la casserole, ils débordent facilement !

Appareil photographique

Fernande était photographe et avait un magasin à Mortagne, sur la place Notre-Dame, au coin. Il y a toujours un photographe à cet endroit, la fille de M. Georget, dont le père l’a remplacée. Fernande utilisait une grande chambre, 18×24, avec son trépied. Et on en bavait, le verre ça se cassait, ça se fêlait. « On voit bien que vous n’avez pas vécu ça ! » Autrement, c’était rigide, ça ne gondolait pas comme le film.

Les photographies se faisaient sur plaques de verre, on les transportait dans une boîte en bois faite sur mesure chez le menuisier, avec des stries pour maintenir les plaques. « Vas-y que je te porte ça ! On s’imagine pas ! » Le tout était lourd à déplacer. Le procédé donnait une netteté exceptionnelle. « Je l’ai gardée, ma chambre. Même si l’on m’en a proposé 10 000 francs. Mais elle n’est pas ici. »

Il y a toujours des photographes qui travaillent à la grande chambre, ce sont des animaliers. La netteté était nettement mieux. Mais il y a eu du progrès dans les optiques, on n’avait pas ça. Je suis quelquefois en admiration devant des photos animalières.

On faisait du tout-venant, tout, mariages, naissances. Pour les photos de groupes, celles des mariages, il fallait construire un échafaudage, apporter du matériel et des cales, trouver une surface plate…

Je me souviens d’une vitrine de Noël, avec un vieux moulin fait avec une roue, les plaques passaient dans l’eau, les gens ne savaient pas que le lavage bénéficiait aux plaques. C’était une horloge avec les heures de la vie, un vieux monsieur avec une bouille sympathique, et les autres âges. C’est un horloger qui l’a fait marcher avec une pendule comtoise costaude, cachée derrière.

Aspirateur, balai et chiffon

Les objets des femmes, ce sont le balai et le chiffon ! Mais on pourrait bien ajouter la paille de fer, du moins pour les maisons qui avaient du parquet.

— Chez nous, c’était de la terre battue. L’aspirateur, ça n’aurait pas marché

Bassinoire

Il y avait des bassinoires en cuivre pour réchauffer le lit. On mettait de la braise dedans. Il y avait toujours un risque de mettre le feu.

Bénitier

Pour la communion, on offrait aussi fréquemment un petit bénitier, à accrocher au mur. On en voyait avec un petit rameau de buis.

Bleu de méthylène

On en badigeonnait les amygdales avec un gros coton-tige, contre l’angine.

Bombes

— En 1939-1945, j’ai perdu un frère qui est mort à la guerre.

Il fallait se protéger des bombardements, descendre dans la cave, s’il y en avait une, ou sinon dans des tranchées creusées à même la terre.

— Ma maison a été soufflée par une bombe, du coup, je suis allé dormir dans la porcherie, la cabane à cochons, quoi. Les cochons n’y étaient plus, ces années-là, on en était réduit aux topinambours.

— Mon père disait : « Les enfants, il ne faut pas avoir peur des obus. Celui qui vous atteindra, vous ne le sentirez pas. »

— Tous les soirs, il y avait des vagues d’avion. On les entendait arriver. Tout était en feu le soir.

— Si tout le monde parlait la même langue, ce serait peut-être la paix.

— À moins que ça ne soit une question d’intérêt !

Brodequins

Étant charron, je faisais de la forge, je travaillais le feu, il fallait des chaussures qui résistent aux flammes, qui protègent de la chute d’un gros marteau. Je portais des brodequins solides.

Bottes

Je me souviens d’un bruit de bottes dans l’escalier, c’était un soldat allemand qui avait entendu mon père jouer du piano et qui venait lui demander d’aller jouer pour eux. Il a refusé.

Bouton

Aujourd’hui, il y a des jeunes femmes qui ne savent plus coudre un bouton.

Boutons de manchette

Les boutons de manchette, ça ne se fait plus. Les chemises des grandes occasions n’avaient pas de bouton, et on offrait des boutons de manchette aux garçons pour la première communion. Ça allait avec la pince à cravate, ou l’aiguille à cravate. « Ils me font penser à mon papa. » Il y avait aussi des manchettes amovibles et des faux cols en celluloïd blanc. Le charron de Réveillon en avait. Les vraies manchettes et les cols devaient être amidonnés.

Cachettes

Pendant l’Occupation, les gens cachaient tout pour ne pas être réquisitionnés. On enterrait jusqu’à la farine. Et on cachait aussi les jeunes qui devaient être envoyés au STO.

Cadeau de Noël

Beaucoup ne recevaient pas de cadeaux de Noël, on n’avait pas les moyens. Ça pouvait être un chocolat, une pièce de monnaie, une orange dont on ne mangeait qu’un quartier par jour, pour la faire durer.

Caisse enregistreuse

Moi, au café, je me servais de ma tête pour calculer, pas d’une machine.

Cartable

Un cartable en cuir, ça faisait la campagne, toute la scolarité, et ça suffisait. Le bourrelier qui l’avait fabriqué pouvait le réparer.

Coca-cola

Il y avait du chocolat, pas de coca-cola. C’est venu après la guerre, avec les Américains.

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Partenariat en Val de Marne

Entre 2008 et 2011, un groupe d’habitants du Val de Marne (familles, adolescents, adultes) se sont retrouvés chaque année sur une semaine ou plusieurs weeks ends pour réaliser un nouveau film dans le cadre d’ateliers cinéma organisés au Théâtre-Cinéma Paul Eluard de Choisy-le-Roi.

La démarche : Construire un scénario autour d’un thème, d’une proposition. Aborder différentes techniques d’image par image. Expérimenter les passerelles entre documentaire, images réelles et animation. Encadrement : Marie-Christine Perrodin.

Teaser Festival Graines d’images Junior 2014

Clip réalisé avec un groupe d’adolescents à l’Espace Jeunesse de La Ferté-Bernard (Sarthe) Encadrement : Marie-Christine Perrodin.